Par arrêt de la Chambre d’accusation en date du 23 novembre 2014, la Chambre d’Accusation a ordonné le renvoi des quinze personne impliquées dans l’affaire du présumé complot contre l’Etat.
Les avocats de la défense ont formé pourvoi contre l’ordonnance.

La Cour Suprême a siégé le 24 décembre 2014.

Au cours des débats, les avocats ont soulevé des nombreuses irrégularités et des nullités procédurales constatées depuis la garde à vue dans des locaux inappropriés ,en l’occurrence le camps militaire de Kandani et la durée de 11 jours de cette mesure ,pourtant fixée à 24 heures selon la loi ,sauf prolongation de 24 heures.
Ils ont également soulevé des nullités toutes aussi graves au cours de l’instruction.

Dans ses motivations, la Chambre d’Accusation a expliqué en se basant sur l’article 171 du Code de procédure pénale que les avocats n’étaient pas fondés à soulever des nullités à ce stade de la procédure et qu’en conséquence, leurs demandes ont été déclarées irrecevables pour défaut de qualité.

Ce qu’il faut noter, ce que les dispositions qui ont servi de base à la motivation de la Chambre d’Accusation sont relatives à l’instruction faite par le juge et non celle, au second degré, qui est diligentée par elle.

En effet, l’article 171 du Code de procédure pénale dispose que « s’il apparaît au juge d’instruction qu’un acte de l’information est frappé de nullité, il saisit la chambre d’accusation en vue de l’annulation de cet acte, après avoir pris l’avis du Procureur de la République et en avoir avisé l’inculpé et la partie civile.
Si c’est le Procureur qui estime qu’une nullité a été commise, il requiert le juge d’instruction communication de la procédure en vue de sa transmission à la Chambre d’Accusation et présente requête au fin d’annulation à cette chambre ».

Ces dispositions sont claires. Si au cours de l’information, le magistrat instructeur constate une nullité, il saisit volontairement la Chambre d’accusation pour annuler l’acte incriminé. Le Procureur dispose également de ce droit .En l’état actuel de la législation comorienne, les parties n’ont pas le droit de soumettre des nullités au juge ou à la Chambre d’accusation.
Cependant, il serait illogique de penser que tout au long de la procédure, les parties n’aient pas la possibilité de le faire.

A cet égard , l’article 595 du Code de procédure pénale dispose que « Lorsque la chambre d’Accusation statue sur le règlement d’une procédure dans un autre cas que celui visé dans un à l’article précèdent (Arrêt de renvoi devenu définitive), tous moyens pris de nullités de l’information doivent être proposés, faute de quoi l’inculpé ou la partie civile ne sont plus redevables à en faire état [?] et sans préjudice du droit qui appartient à la Cour de cassation de relever tous moyen d’office ».

Deux choses importantes sont à souligner dans ces dispositions. D’une part l’inculpé et la partie civile peuvent bien soumettre des cas de nullités à la chambre d’Accusation. D’autre part, si elles s’abstiennent de le faire, la Cour suprême a le droit de les soulever d’office.

C’est donc de bon droit que les avocats de la défense ont invoqué ces dispositions puisque l’audience de la Chambre d’Accusation reste donc l’ultime possibilité pour les avocats de soulever les nullités de la procédure avant l’audience de jugement.
C’est d’ailleurs l’audience de la Chambre d’accusation sert principalement à purger les nullités de l’instruction avant le renvoi devant la juridiction de jugement.
La Chambre d’accusation était donc mal-fondée à déclarer que les avocats n’avaient pas qualité pour lui soumettre des nullités.

Autre reproche fait à l’arrêt, c’est l’insuffisance de motivation et même l’absence de motivation pour certains prévenus.
Malgré la présence de 15 inculpés qui encourent pour la plupart la peine de mort, la Chambre d’accusation a rendu un bref arrêt insuffisamment motivé, en complète violation des articles 593 du Code du Code de Procédure pénale et 73 de la Loi Organique n°05-012/AU du 27 juin 2005 sur la Cour suprême.

Selon l’article 593 du Code de Procédure pénale, « Les arrêts de la Chambre d’Accusation ainsi que les arrêts et jugement en dernier ressort sont déclarés nuls sils ne contiennent pas des motifs ou si leur motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de Cassation d’exercer son contrôle et reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ;
Pour sa part, l’article 73 de la Loi sur la Cour suprême reprend en substance les mêmes dispositions.

Malgré ces textes, et en quelques lignes seulement pour chaque prévenu, la Chambre d’accusation a forgé son intime conviction pour ordonner le renvoi devant la Cour de Sureté de l’Etat.
Deux des prévenus sont renvoyés devant la Cour sans pour autant que les motifs de renvoi en ce que les concernent, ne soient connus.

Il faut tout de même rappeler que les décisions de cette juridiction sont rendues en dernier ressort et sont sans recours.

Le Procureur Général près la Cour Suprême a requis l’irrecevabilité de tous les pourvois. Il a notamment soutenu que les demandes présentées devant la Cour étaient des moyens nouveaux et que la motivation du juge reposait sur l’intime conviction.

Ce qu’il faut noter c’est que les moyens soulevés devant la Cour suprême sont directement issus des débats. C’est précisément parce que la Chambre d’Accusation n’a pas ténu compte des arguments qui lui ont été soumis par les avocats que ces derniers ont attaqué l’arrêt de renvoi.

Il a également soutenu que la décision des juges a été prise selon l’intime conviction.
Cependant, l’intime conviction n’exclut pas la motivation. En d’autres termes, elle n’est pas une boule de cristal, que le juge utiliserait par commodité au mépris des droits de la défense.
Les textes ci-dessus cités, établissent clairement que la motivation est fondamentale .C’est d’ailleurs la pierre angulaire de toute décision juridique.

Cette affaire a été l’occasion pour les avocats comoriens de se présenter la première fois devant la Cour suprême dans le cadre d’une affaire aux enjeux considérables. La décision attendue pour le 30 décembre 2014 leur servira donc de repère quant à l’attitude de la Cour à l’égard des juridictions inférieures.

La Cour suprême a siégé dans l’affaire du Coup